Intangibilité des prix en période de crise : état du droit ou croyance ?

La doctrine du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance est sans équivoque :

  • Ainsi, en l’absence de clause de révision de prix ou de réexamen, une modification du prix porterait atteinte aux conditions de la mise en concurrence (CE, 15 février 1957, Etablissement Dickson)” (Fiche technique – Les marchés publics confrontés à la flambée des prix et au risque de pénurie des matières premières – 18/02/2022 – page 4).
  • En raison du caractère en principe intangible du prix contractualisé, une clause de révision ne peut être ni modifiée ni introduite en cours d’exécution du marché (CE 15 février 1957, Etablissement Dickson) si le contrat n’en a pas expressément prévu la possibilité et les modalités par une clause de réexamen (article R. 2194-1 et 1° de l’article R. 2194-6 du code de la commande publique)” (Réponse à QE n° 40503 du 03/08/2021).
  • Le prix contractualisé est intangible, ainsi que les conditions de son évolution prévue à la signature du contrat, et aucune des parties au contrat ne peut les modifier (CE, 9 mars 1951, Didona (sic)) (Fiche Le prix dans les marchés publics – Guide et recommandations, avril 2013,page 66).

Pourtant, la lecture des décisions Etablissement Dickson et Didonna susvisées semble révéler une portée différente de celle avancée par Bercy.

Quelle est la décision du Conseil d’Etat dans ces deux affaires ?

  • ” (…) la circonstance que les formules susmentionnées de révision des prix n’auraient pas assuré une exacte compensation des augmentations des charges supportées par le fournisseur n’est pas de nature à ouvrir à ce dernier un droit à indemnité, en l’absence de bouleversement de l’économies des marchés (…)” (CE, 15 février 1957, Etablissement Dickson, n° 14891)
  • ” (…) la circonstance [que des travaux semblables aient été payés à un prix supérieur] ne saurait justifier la modification des prix portés au marché conclu entre l’Algérie et le sieur Didonna, prix qui, en l’absence d’une sujétion imprévisible non démontrée en l’espèce, sont immuables et lient les parties” (CE, 9 mars 1951, Sieur Didonna, n° 86.405, rec. Lebon p. 148).

Des sujétions imprévisibles permettraient ainsi de déroger au principe de l’intangibilité des prix.

Au-delà du droit à indemnisation qu’ouvre la théorie de l’imprévision, et sous réserve de jurisprudences contraires (dont l’AAP serait preneuse…), notre logiciel de pensées concernant la question de l’intangibilité des prix en période de crise mériterait peut-être une update.

Arnaud LATRECHE – 31 mars 2022

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