Pénalités de retard : quand la dérogation au CCAG leur confère un caractère excessif

Depuis la décision “Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent” du Conseil d’Etat (CE, 19 juillet 2017, n° 392707), la possibilité pour le juge de moduler l’application des pénalités de retard obéit à plusieurs conditions :

  • une demande en ce sens ;
  • la démonstration du caractère excessif ou dérisoire du montant des pénalités ; quatre facteurs sont alors pris en considération :
    • la part du montant des pénalités par rapport au montant du marché,
    • l’importance du retard imputable à l’entreprise par rapport au délai contractuel,
    • les pratiques observées sur des marchés comparables,
    • les caractéristiques particulières du marché en cause.

Un arrêt du 14 mars 2022 de la cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 14 mars 2022, n° 20MA04339) apporte un éclairage intéressant quant aux modalités de prise en compte par le juge des pratiques observées sur des marchés comparables.

Dans l’affaire jugée, 4 639 237,78 euros de pénalités de retard étaient en jeu, soit un peu plus de 48 % du montant du marché (9 644 985 euros). Le montant de cette pénalité sanctionnait 481 jours de retard sur un délai contractuel de 178 semaines (soit un dépassement du délai contractuel à hauteur de 39 %).

Par une approche inédite, le juge d’appel marseillais va considérer que la formule de calcul des pénalités de retard prévue par le CCAG MI en vigueur, “(V x R) / 3 000“, constitue le mode de calcul applicable dans des marchés comparables.

Ajoutons que selon la formule de calcul du CCAG MI, le montant des pénalités aurait été de 1 546 412,59 euros (soit 16 % du montant du marché pour un retard à hauteur de 39 % du délai contractuel).

Dès lors, selon le juge, le CCAP du marché ayant dérogé au CCAG en retenant la formule “(V x R) / 1 000“, le montant des pénalités qui en résulte est excessif au regard du montant qui aurait été applicable dans des marchés comparables, sur la base du CCAG MI. Le montant des pénalités est ainsi ramené à 2 000 000 euros, soit un peu plus de 20 % du montant du marché.

La position du juge peut surprendre. En effet, elle pourrait être comprise comme l’affirmation, discutable, que le mode de calcul des pénalités de retard prévu par le CCAG constitue une norme contractuelle, rarement écartée en pratique dans des marchés comparables. Toutefois, l’excès que dénonce le juge ne réside pas tant dans le fait d’avoir dérogé au CCAG, que d’avoir retenu un dénominateur de valeur 1 000 au lieu de 3 000. La preuve en est que le montant rectifié des pénalités ne correspond pas à l’application de la formule du CCAG.

Cette approche du juge soulève néanmoins la question de l’ampleur des dérogations que les acheteurs peuvent valablement apporter aux modes de calcul et au montant des pénalités prévus par les CCAG. Par analogie, elle semble également ouvrir la voie à de possibles remises en cause des taux de plafonnement des pénalités de retard qui seraient supérieurs aux 10 % fixés par les CCAG.

A suivre donc….

Arnaud LATRECHE – 25 mars 2022

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