L’acheteur peut-il, voire, doit-il régulariser pendant l’exécution du contrat l’omission d’une clause de révision de prix obligatoire ?
C’est ce qui semble se dégager, en creux, de la décision n° 494073 rendue le 15 juillet 2025 par le Conseil d’Etat.
L’affaire jugée concerne un marché d’approvisionnement en thon qui aurait dû comporter une clause de révision, ce type de denrée étant soumis à un risque de fluctuation des cours mondiaux.
Le thon c’est bon mais pas sans révision !
Confronté à une flambée des prix (+ 80 % !) et à des difficultés d’approvisionnement, le titulaire du marché tente en vain d’obtenir une modification des conditions du marché (report de la date limite de livraison ou augmentation de 18 % des prix du marché).
Pénalisé pour le retard de livraison, le titulaire obtient du Conseil d’Etat une modération de 50 % du montant des pénalités compte tenu du comportement de l’acheteur, que l’on peut regarder comme étant fautif.
Le Conseil d’Etat considère en effet que “en refusant d’envisager toute modification des marchés en litige afin de remédier aux difficultés de livraison rencontrées par la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, résultant d’évènements extérieurs et imprévisibles dans leur ampleur, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 13, les marchés en litige, dont l’exécution nécessitait le recours à une part importante de matières premières dont le prix était directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux, ne comportaient pas de clause de révision de prix contrairement aux prescriptions des dispositions citées au point 12, ce que la société Nouvelle Laiterie de la Montagne avait d’ailleurs relevé dans le courrier du 25 octobre 2017 qu’elle lui avait adressé, FranceAgriMer a contribué à la placer en situation de ne pas pouvoir respecter ses obligations de livraison. Cette circonstance est de nature à atténuer la gravité de l’inexécution, par la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, de ses obligations contractuelles“.
Autrement dit, confrontés à une irrégularité originelle du marché – tenant à l’absence d’une clause de révision pourtant obligatoire – les acheteurs disposeraient donc d’une marge de manoeuvre pour compenser cet “oubli”.
Le Conseil d’Etat n’est pas allé jusqu’à reconnaître explicitement la possibilité de régulariser ou compenser intégralement le manquement, notamment, en insérant une clause de révision par avenant. Toutefois, cette faculté nous paraît reconnue aux acheteurs, s’ils parvenaient à démontrer qu’une telle modification respecte l’une des conditions dans lesquelles le Code de la commande publique autorise les modifications “sèches” des clauses financières du marché, ainsi que l’a admis le Conseil d’Etat dans son avis n° 405440 du 15 septembre 2022.
En cas de refus d’apporter des ajustements au contrat, à l’instar de l’affaire jugée, leur responsabilité pourrait bien être engagée, ce qui pourrait alors faire peser sur eux une obligation implicite de régularisation contractuelle, fût-elle partielle.
Arnaud LATRECHE – 19 août 2025.