Pénalités de retard plafonnées : peuvent-elles être excessives ?

Selon une jurisprudence désormais bien établie, à titre exceptionnel et à la demande de l’un des contractants, le juge administratif peut modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, compte tenu :

  • du montant du marché ou des recettes prévisionnelles de la concession,
  • et de la gravité de l’inexécution constatée (importance du retard).

Afin de démontrer le caractère excessif des pénalités, il incombe alors au titulaire de produire tous éléments (clauses prévues par des contrats comparables, caractéristiques particulières du contrat en litige…) permettant d’établir que ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif.

La question pouvait se poser de la possibilité de démontrer le caractère excessif ou dérisoire des pénalités lorsque le contrat plafonne leur montant.

La circonstance que le montant des pénalités de retard mis à sa charge ne dépasse pas le montant plafond fixé contractuellement ne s’oppose pas à ce que le titulaire du contrat puisse démontrer le caractère manifestement excessif de ces pénalités. Cette position semble résulter de l’arrêt n° 23TL01761 du 25 juin 2024 de la cour administrative d’appel de Toulouse, à propos d’une concession :

D’une part, les pénalités en litige n’excèdent pas le plafond de pénalités de 16,5 millions d’euros prévu à l’article 8.2 de la convention au titre des retards dans la construction du réseau. D’autre part, en se bornant à demander à la cour d’exercer son pouvoir de modulation des pénalités en litige, la société Tarn Fibre ne produit aucun élément circonstancié, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, pourtant nécessaires à l’appréciation du caractère manifestement excessif du montant des pénalités mises à sa charge […]”.

Cette solution est transposable aux marchés publics, les conditions de modulations des pénalités de retard posées par la jurisprudence étant applicables à l’ensemble des contrats de la commande publique.

Dès lors, le plafonnement éventuel des pénalités de retard, prévu par les CCAG des marchés publics (10 %) ou les pièces particulières du contrat (CCAP), ne garantirait pas à l’acheteur que ce plafond n’est pas excessif.

Selon toute vraisemblance, réciproquement, il ne devrait pas davantage garantir au titulaire du marché qu’il n’est pas dérisoire.

Arnaud LATRECHE

Réception avec réserves ou sous réserve : quelle conséquence sur l’application des pénalités pour retard dans la levée des réserves ?

Une des conséquences de la distinction entre réception avec réserves et réception sous réserve porte sur la faculté pour l’entreprise de transmettre ou non son projet de décompte final sans attendre la levée des réserves (voir notre actualité du 28 juin 2022).

Relayé, par achatpublic.info, l’arrêt n° 22MA00138 du 7 février 2024 de la cour administrative d’appel de Marseille témoigne d’une nouvelle conséquence de cette distinction, lorsqu’on le croise avec l’arrêt n° 20DA00864 du 5 août 2021 de la cour administrative d’appel de Douai.

En synthèse, les pénalités de retard prévues par le CCAG Travaux :

  • Sont applicables, lorsque la réception est prononcée sous réserve de la réalisation des travaux non exécutés, en cas de retard dans l’achèvement desdits travaux (CAA Marseille, 7 février 2024, n° 22MA00138),
  • Sont inapplicables, lorsque la réception est prononcée avec réserves, en cas de retard dans l’exécution des travaux permettant de lever ces réserves (CAA Douai, 5 août 2021, n° 20DA00864).

Rappelons que l’acheteur peut harmoniser le régime d’application des pénalités de retard dans le CCAP sans distinction de la portée de la réception.

Arnaud LATRECHE – 07/03/2024

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