Modification “sèche” des clauses financières : c’est possible !

Il était attendu. Il n’a pas déçu. Saisi pour avis par la DAJ de Bercy en juin dernier afin de savoir, notamment, si le Code de la commande publique permettait, en cas de circonstances exceptionnelles, de modifier les clauses financières initiales du marché, le Conseil d’Etat répond sans hésitation par l’affirmative (avis du Conseil d’Etat du 15 septembre 2022).

Certains de ceux qui, en toute bonne foi, percevaient le principe d’intangibilité des prix comme s’opposant à la modification des seules clauses financières (à l’instar de la position du Gouvernement) pourraient percevoir cet avis comme une remise en cause ou atténuation du principe d’intangibilité des prix, voire une évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Certains commentateurs se sont d’ores-et-déjà exprimés en ce sens.

Le Code de la commande publique ne l’a jamais interdit…

Nous pensons qu’il n’en est rien. Par cet avis, le Conseil d’Etat ne remet pas en cause le principe d’intangibilité des prix, il explique sa portée. Ce principe s’oppose certes à ce que l’une des parties seulement impose unilatéralement à l’autre une modification des conditions financières du marché. Mais il ne s’oppose pas à ce que les parties conviennent de modifier les clauses financières (prix, révision…) en respectant les conditions de modification des marchés posées par le Code de la commande publique. Ce code ne limite donc pas la nature des clauses du contrat susceptibles d’être modifiées.

Extraits choisis de l’avis :

“(…) il ne résulte pas des dispositions du code de la commande publique (…) que les modifications des marchés et des concessions qu’elles autorisent et encadrent ne peuvent porter que sur les caractéristiques ou les conditions d’exécution des prestations initialement convenues, et non sur les clauses financières (…), de sorte que serait prohibée une modification des seules clauses financières (modification “sèche” du prix)” (page 3).

Afin de remédier à une situation résultant de circonstances imprévisibles, il est possible, en premier lieu, de modifier les marchés (…). (…) ces modifications peuvent concerner, sur le fondement des dispositions du code de la commande publique, sous réserve qu’elles ne changent pas la nature globale du contrat, tant les caractéristiques et conditions d’exécution des prestations que le prix ou les tarifs, leur montant ou les modalités de leur détermination, ou encore la durée initialement convenus. Les contrats peuvent aussi être modifiés afin d’y introduire une clause de variation de prix ou de réexamen si le contrat n’en contient pas, ou de faire évoluer une clause existante qui se serait révélée insuffisante” (page 7).

Il est difficile d’être plus clair.

…Ni davantage la jurisprudence

Quant à la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat, elle permettait d’ores-et-déjà d’aboutir à cette conclusion. Cet avis n’est donc pas un revirement de la position du Conseil d’Etat au contentieux :

Au demeurant, s’il ressort de la jurisprudence administrative qu’en principe les prix prévus et les autres clauses financières lient les parties, ce dont il se déduit que le cocontractant de l’administration n’a pas de droit à leur modification, des décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux (…) ont admis, dans des circonstances particulières, que le caractère définitif des prix stipulés ne s’oppose pas de manière absolue à leur modification” (page 4).

Le Conseil d’Etat fait ainsi référence, notamment, à ses décisions “Société Area Impianti” validant la transformation d’un prix révisable en un prix ferme (CE, 20 décembre 2017, n° 408562) et “SHAM” admettant l’augmentation de la prime d’un marché d’assurance (CE, 16 mai 2022, n° 459408).

Cet avis du Conseil d’Etat illustre avec force cette règle essentielle de notre droit : ce qui n’est pas interdit, est autorisé.

Voir sur le même sujet, l’analyse de l’AAP réalisée préalablement à l’avis du Conseil d’Etat.

Arnaud LATRECHE – 22 septembre 2022

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