Marchés publics de travaux : le montant de la variation de prix non facturé par l’entreprise doit-il être réglé par le maître d’ouvrage ?

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(Retrouvez ci-après la tribune publiée sur achatpublic.info le 27 octobre 2022)

La question se pose parfois : la personne publique maître d’ouvrage doit-elle régler le montant de la révision ou de l’actualisation des prix lorsque l’entreprise n’inclut pas la somme correspondante dans sa facture ? La réponse est oui. Explications.

Aucune obligation de facturer la variation des prix

Les mentions que doivent obligatoirement comporter les factures sont définies par l’article L.441-9 du code de commerce et l’article 242 nonies A du Code général des impôts (CGI). S’agissant de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques, l’annexe C au Code général des collectivités territoriales (CGCT), ainsi que l’annexe A à l’arrêté du 5 mai 2021 (Etat) rappellent le contenu des factures et mémoires, tel que celui-ci résulte du CGI.

Il résulte de ces dispositions que, selon les cas, les prix unitaires et leurs quantités respectives, les prix forfaitaires, les rabais, remises, ristournes ou escomptes, doivent notamment être mentionnés sur la facture. En revanche, ces dispositions n’imposent pas expressément que la facture comporte le montant des variations de prix prévus le cas échéant par le contrat (révision ou actualisation).

L’article 12.1.1 du CCAG Travaux  stipule par ailleurs que la demande de paiement mensuelle produite par l’entreprise est établie à partir des prix initiaux du marché (prix de base), sans actualisation ni révision des prix.

Toutefois, l’article 12.1.7 de ce CCAG impose à l’entreprise de joindre à sa demande paiement le calcul du coefficient de révision ou d’actualisation, dûment justifié.

Ainsi, le montant facturé par l’entreprise n’est pas tenu d’inclure le montant de la variation des prix (1).

Obligation pour le maître d’ouvrage de payer ou réclamer le montant de la variation des prix

Lorsque la clause susvisée du CCAG est applicable, à supposer que le maître d’ouvrage fasse preuve de mansuétude et accepte une demande de paiement qui ne serait pas accompagnée du détail du calcul du coefficient de variation, cette omission ne le dispense pas pour autant de l’obligation de régler le montant de la révision ou actualisation à l’entreprise (variation positive) ou de lui réclamer cette somme (variation négative). Il en va de même pour les marchés qui ne font pas référence au CCAG et dont les clauses particulières n’imposent pas davantage à l’entreprise de communiquer la valeur du coefficient de variation.

En effet, s’agissant des marchés publics de travaux pour lesquels le CCAG Travaux est applicable, rappelons, en premier lieu, que l’article 12.2.1 de ce cahier impose au maître d’œuvre d’inclure l’effet de la révision ou de l’actualisation lorsqu’il établit l’état d’acompte mensuel qu’il propose ensuite au maître d’ouvrage.

Par ailleurs, lorsque l’ordonnateur de la personne publique maître d’ouvrage mandate le paiement d’un acompte (travaux réalisées), la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques exige qu’il transmette au comptable public un état liquidatif, décomposant le montant dû au titre de cet acompte (2). Le contenu obligatoire de cet état liquidatif est défini par cette même nomenclature, par l’annexe D du CGCT et l’annexe B de l’arrêté du 5 mai 2021. Or, l’une des mentions obligatoires de cet état liquidatif vise l’indication du montant de l’actualisation ou de la révision.

Une renonciation implicite admise

En sus de l’obligation contractuelle résultant de la clause de révision ou d’actualisation des prix, l’orthodoxie de la comptabilité publique, en principe, ne laisse donc guère de choix au maître d’ouvrage.

Malgré tout, dans l’hypothèse où chacune des parties manque de diligence afin d’obtenir le bénéfice de la clause de variation des prix, et lorsque le comptable public lui-même omet d’en exiger l’application par le maître d’ouvrage, à l’instar de toutes créances nées du marché, le décompte général définitif éteint alors leurs droits respectifs sur ce point.

Ainsi, l’entreprise perd définitivement le droit de réclamer le paiement de la révision des prix si la somme correspondante n’est pas inscrite dans son projet de décompte final (CE, 16 décembre 2015, société Ruiz, n° 373509, publiée au Lebon – voir également CAA Douai, 2 avril 2020, société ICP, n°18DA01228).

Réciproquement, dès lors que le décompte général qu’il a établi et signé a été transmis au titulaire du marché, le maître d’ouvrage ne peut plus lui réclamer, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes qui n’ont pas été mentionnées dans ce décompte (CE, 6 novembre 2013, région Auvergne, n° 361837, mentionnée dans les tables du Lebon). Ainsi en irait-il du montant de la révision ou de l’actualisation négative qui ne serait pas inscrit dans le décompte général (voir, par analogie, la décision rendue en ce sens s’agissant du montant des pénalités de retard : CAA Paris, 4 mai 2015, société Entreprise Roussière, n° 14PA01918).

Arnaud LATRECHE – 19/10/2022

(1) En revanche, l’article 11.3.2 des CCAG MOE, TIC, PI, FCS ainsi que l’article 12.3.2 du CCAG MI stipulent que la demande de paiement doit inclure « le détail des calculs, avec justifications à l’appui, de l’application des coefficients d’actualisations ou de révision des prix ». Cette formulation implique que le montant facturé par le titulaire du marché doit inclure la variation des prix.

(2) Rubrique  412224 de la nomenclature établie en annexe 1 au CGCT et rubrique 4.1.1.2.2.3 de la nomenclature annexé à l’arrêté du 5 mai 2021 pour l’Etat.

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