“Alerte prix” : alerte sur sa faisabilité juridique

Largement relayé dans la presse et sur les réseaux, le projet “alerte prix” annoncé par le ministre David Amiel pour le premier trimestre 2026 (ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat), qui consisterait à ce que l’UGAP s’aligne sur les prix moins chers que ceux qu’elle propose (à services équivalents), interroge quant à sa viabilité juridique, notamment lorsque les prix concurrents de ceux de l’UGAP ne seraient pas publics (ce qui n’est pas que théorique).

Quel fondement pour la modification des marchés de l’UGAP ?

Si la mise en oeuvre de ce projet conduit à ce que l’UGAP renégocie les prix convenus avec ses propres fournisseurs référencés, elle devra pouvoir fonder ces modifications tarifaires sur l’un des 6 cas prévus par le Code de la commande publique autorisant la modification d’un marché (articles R.2194-1 à R.2194-9) et, surtout… obtenir l’accord desdits fournisseurs !

On pense en premier lieu à l’insertion d’une clause de réexamen dans les futurs marchés de l’UGAP, en espérant qu’elle ne dissuade pas les candidats de postuler !

Toutefois, il n’est pas évident qu’une clause de réexamen sur ce sujet, en bonne et due forme (claire, précise et sans équivoque), puisse valablement permettre à l’UGAP de modifier les prix d’un marché, voire plusieurs fois, en fonction des prix proposés par des opérateurs concurrents des titulaires des marchés de la centrale d’achats (prix par définition non déterminés, ni déterminables lors de la rédaction de cette clause).

Une atteinte au secret des affaires ?

En outre, la mise en oeuvre de ce procédé d’alignement des prix de l’UGAP sur ceux proposés par des opérateurs concurrents de ses propres fournisseurs référencés semble poser des difficultés en terme de secret des affaires (confidentialité).

Sur ce point, rappelons en effet que l’article L.2132-1 du code de la commande publique dispose que “L’acheteur ne peut communiquer les informations confidentielles dont il a eu connaissance lors de la procédure de passation, telles que celles dont la divulgation violerait le secret des affaires, ou celles dont la communication pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, telle que la communication en cours de consultation du montant total ou du prix détaillé des offres.

Toutefois, l’acheteur peut demander aux opérateurs économiques de consentir à ce que certaines informations confidentielles qu’ils ont fournies, précisément désignées, puissent être divulguées.”

Par analogie, cette exigence de confidentialité ne s’imposerait-elle pas également lorsque, pendant l’exécution des marchés conclus avec l’UGAP ou avant de contracter avec cette centrale, l’acheteur a eu connaissance de prix plus avantageux proposés par un autre opérateur ?

Si, demain, un acheteur client de l’UGAP obtient un devis d’un autre opérateur et informe l’UGAP du prix proposé afin qu’elle s’aligne sur ce prix, il ne semble pas exclu que ce procédé viole le secret des affaires.

En effet, il nous semble que l’acheteur n’aurait alors pas le droit de divulguer à l’UGAP (à l’instar de n’importe quel tiers) les prix unitaires de cet opérateur, fut-il titulaire d’un marché ou simplement opérateur candidat ou consulté (CE, 30 mars 2016, n° 375529 et avis de la Cada qui ont suivi concernant le caractère non communicable des prix unitaires mentionnés dans un BPU ou DPGF, notamment les avis n° 20161106 et 20161778 ).

“L’alerte prix” serait alors susceptible de conduire les acheteurs à méconnaître le secret des affaires lorsque les prix concurrents obtenus ne sont pas publics et à divulguer à l’UGAP/ses fournisseurs des informations tarifaires confidentielles relatives à des opérateurs concurrents, leur procurant ainsi un avantage non justifié.

Une alerte prix à utiliser avec précautions, si elle voit le jour…

Arnaud LATRECHE – 16/12/2025

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