Appels d’offres et Auditions

Important

Les réponses formulées par les experts de l'Association des Acheteurs Publics dans le cadre des "questions posées aux experts" sont données à titre d'informations et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de l'association.

La question

Bonjour,
Nous préparons une procédure d’appel d’offres ouvert dans le cadre d’un marché de prestations intellectuelles en vue de trouver un bureau d’études chargé d’assurer une prestation d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la modification d’un document d’urbanisme.

La direction opérationnelle souhaite organiser une audition avec tous les candidats présentant les capacités professionnelles, techniques et financières. Au cours de cette audition, il sera demandé aux candidats :
– La présentation, sur la base d’un support projeté lors de l’audition, de leur méthodologie et de l’organisation mise en place pour exécuter l’ensemble des prestations
– La présentation d’exemples de comptes-rendus, de documents graphiques, d’illustrations, de supports de communication…
– Une présentation synthétique du candidat faisant ressortir ses atouts.

L’objectif de cette audition est surtout de rencontrer les futurs chefs de projet (qui devront obligatoirement être présents) pour avoir un “ressenti” sur ces personnes et d’apprécier leur aisance à l’oral puisque les éléments présentés au cours de l’audition correspondent à ce qui est demandé dans l’offre.

La direction opérationnelle souhaite toutefois que cette audition constitue un critère de jugement des offres de la valeur technique (10 points/70). Seraient appréciés la compréhension par les candidats des attentes de l’acheteur et leur aisance à l’oral en vue de mener des actions d’animation et de concertation dans le cadre des prestations attendues.

Il a été clairement indiqué à la direction opérationnelle qu’elle pourra seulement demander des précisions sur tel ou tel point de l’offre et que, en aucun cas, il ne pourra être demandé aux candidats de modifier ou de compléter leur offre.

Est-il possible dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres d’organiser une audition qui constituera un des critères de jugement de l’offre ?
Dans l’affirmative, quelles sont les précautions à prendre pour sécuriser la procédure ?

La réponse

Vous avez sollicité l’avis de l’Association des Acheteurs Publics sur la possibilité d’effectuer une audition dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, audition qui constituerait un des critères de jugement de l’offre.

Si l’audition a pu être autorisée en appel d’offres (𝘊𝘌, 8 𝘮𝘢𝘳𝘴 1996, 𝘔. 𝘗𝘦𝘭𝘵𝘦, 𝘯° 133198), elle représente toutefois un risque non négligeable (délicate frontière entre la “précision de l’offre” et la “négociation de l’offre”). En effet, le risque est que cette audition conduise à un échange entre l’acheteur et les candidats. Or, seules de « simples précisions ou compléments » peuvent être demandées.

Il convient de rappeler que l’audition a pour objectif de présenter à l’oral un projet devant un jury. En complément du mémoire technique, elle a pour vocation d’obtenir des précisions sur les offres transmises par les soumissionnaires.

Vos services opérationnels souhaiteraient que cette audition constitue un critère de jugement des offres de la valeur technique (10 points/70). Vous envisagez d’apprécier la compréhension par les candidats des attentes de l’acheteur et leur aisance à l’oral en vue de mener des actions d’animation et de concertation dans le cadre des prestations attendues.

Il apparait délicat de considérer que la qualité d’une audition peut constituer un critère de jugement des offres. Il est préférable de considérer que l’audition constitue une modalité de jugement d’un ou de critère(s) en lien direct avec l’objet du marché et ses conditions d’exécution, comme peut l’être un écrit (mémoire technique, note méthodologique).  Le juge semble plutôt retenir cette approche, à travers un critère analysé conjointement à partir du mémoire technique et d’une audition (𝘛𝘈 𝘕𝘢𝘯𝘤𝘺, 21 𝘧𝘦́𝘷𝘳𝘪𝘦𝘳 2017, 𝘕°1500335).

On pourrait donc imaginer que l’un des critères, par exemple la valeur technique soit analysée, au vu, d’une part, du mémoire technique, d’autre part, de l’audition.

Dans tous les cas, l’appréciation de “l’aisance à l’oral”, est par essence très subjective et impliquerait de définir en amont :

  • ce qui sera jugé au titre de cette prestation (clarté des propos, bon usage du français…),
  • de conserver la traçabilité de cet oral à titre de preuve en cas de contestation par un enregistrement audiovisuel, ce qui peut poser la question du droit à l’image et de l’obtention préalable de l’accord des candidats.

Pour limiter la part d’incertitude et de subjectivité dans cette évaluation, une attention particulière devra être portée sur le « scenario » de l’audition qui sera communiqué en amont aux candidats, afin qu’ils soient mis dans les mêmes conditions.

Concernant les conditions à respecter pour l’audition, il peut être intéressant de se reporter à la fiche élaborée en 2011 par la direction des affaires juridique de Bercy sous l’empire de l’ancien Code des marchés publics. Selon cette fiche intitulée « auditions en appel d’offres », il faut que plusieurs conditions soient rassemblées :

  • L’objet du marché doit présenter un degré de complexité suffisant pour que l’audition s’avère nécessaire.
  • L’audition doit être mentionnée dans l’avis d’appel public à concurrence ou dans le règlement de consultation.
  • Le déroulement des auditions doit garantir une stricte égalité entre les candidats conformément aux règles de mise en concurrence transparentes imposées par le code de la commande publique.
  • Un procès-verbal d’audition doit être rédigé. Il permettra d’établir, en cas de contentieux éventuel, que l’audition était limitée à de « simples précisions et compléments » et non à une négociation.

Quant au risque que l’audition entraine une négociation des offres, il est conseillé :

  • que l’acheteur se contente d’écouter les entreprises, sans poser de questions : en l’absence de questions, le risque de la négociation est exclu ;
  • que l’acheteur ne demande pas au candidat de compléments écrits après l’audition, l’offre du candidat restant inchangée.

Enfin, l’AAP attire votre attention sur le temps nécessaire pour auditionner tous les candidats. Si le secteur concerné est très concurrentiel, l’acheteur peut se retrouver contraint d’auditionner beaucoup de candidats et voir sa procédure allongée. Pour limiter cette contrainte, l’acheteur peut s’orienter sur un appel d’offres restreint qui permet de limiter à 5 le nombre de candidats admis à présenter une offre. Dans ce cas, la phase des auditions sera plus courte.

Le conseil de l'AAP

L’AAP conseille aux acheteurs d’apporter le plus grand soin à la préparation et l’organisation de l’audition, étant rappelé qu‘en appel d’offres, l’audition a pour vocation d’obtenir des précisions sur les offres transmises par les soumissionnaires.

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