Décompte final établi d’office par le maître d’œuvre : effet indésirable du CCAG Travaux ?

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Par une décision du 19 mai (CE, 19 mai 2022, n° 455134, mentionnée aux tables du Lebon), le Conseil d’État a interprété les dispositions du CCAG Travaux relatives à l’établissement d’office du décompte par le maître d’œuvre, quant à leur conséquence sur la recevabilité de la contestation ultérieure du décompte général par l’entreprise titulaire du marché.

Dans l’affaire en cause (relevant du CCAG Travaux 2009), près de 8 mois après la réception des travaux l’entreprise n’avait toujours pas transmis son projet de décompte final (obligation prévue désormais par l’article 12.3.1 du CCAG Travaux 2021). La mise en demeure n’ayant pas produit ses effets, le maître d’œuvre établit alors d’office le décompte final.

Ce décompte fut ensuite notifié à l’entreprise en même temps que le décompte général.

L’entreprise contesta alors le décompte général en produisant un mémoire réclamation. Or, dans ce mémoire, la réclamation de l’entreprise portait sur des chefs de rémunération et d’indemnisation qui n’étaient pas inclus dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre.

Rappelons que, normalement, lorsque l’entreprise omet d’inclure une demande de rémunération ou d’indemnisation dans son projet de décompte final, elle perd la possibilité de solliciter cette somme dans le mémoire en réclamation qu’elle produit par la suite pour appuyer sa contestation du décompte général notifié par le maître d’ouvrage (CE, 16 décembre 2015, n° 373509, publié au Lebon). Cette irrecevabilité s’explique par l’engagement que prend l’entreprise en présentant son projet de décompte final (demande de paiement finale). En effet, selon le CCAG Travaux, « le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final » (article 12.3.1 du CCAG 2021, reprenant la formulation de l’article 13.3.3 de la version de 2009).

Or, dans la présente affaire, le Conseil d’État estime que, selon le CCAG Travaux, lorsque le décompte final est établi d’office par le maître d’œuvre, cette circonstance ne prive pas l’entreprise de son droit de présenter une réclamation sur le décompte général qui porterait sur des éléments non mentionnés dans le décompte final établi par le maître d’œuvre :

« Lorsque le titulaire du marché n’a pas produit de projet de décompte final et qu’après mise en demeure demeurée sans suite, ce décompte final a été établi d’office par le maître d’œuvre, les stipulations précédemment citées n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de le priver du droit de former, dans le délai de quarante-cinq jours suivant la transmission du décompte général du marché, une réclamation sur ce décompte général, quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d’indemnisation qui n’avait pas été mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre. »

Cette décision semble priver d’effet la clause du CCAG selon laquelle le projet de décompte final lie le titulaire du marché.

On en arrive à ce paradoxe où :

  • le titulaire qui n’a pas respecté l’obligation de transmettre son projet de décompte final peut présenter une réclamation sur le décompte général, portant sur un poste de rémunération ou d’indemnisation absent du décompte final établi d’office par le maître d’œuvre ;
  • là où le titulaire méticuleux qui a transmis son projet de décompte final ne bénéficie pas de la même faculté pour un poste de cette même nature qu’il aurait omis ab initio dans ce décompte.

Au final, bien que les frais d’établissement d’office du décompte final par le maître d’œuvre puissent être mis à la charge de l’entreprise dans le décompte général, la défaillance de celle-ci à ce titre n’emporte aucune autre conséquence.

En irait-il autrement si l’article 12.3.4 du CCAG Travaux était complété par la clause suivante : « Le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre lie le titulaire » ?

Arnaud LATRECHE

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